Vous êtes ici

Fast fashion : la mort annoncée ?

Est-ce la mort annoncée de la « fast fashion » ?
Publié le
20 Janvier 2020

La fast fashion a représenté 10 à 20 % du marché total de la mode dans le monde en 2019, selon Retail X. L’été 2019 a pourtant marqué la chute de Forever21, le géant américain du modèle. Le modèle économique low-cost, porté par quelques mastodontes du prêt-à-porter, s’essouffle-t-il au profit d’une mode plus « durable » ?

Le point avec Isabelle Chaboud, directrice du MSc in Fashion Design & Luxury Management et professeur associé au département Gestion Droit Finance à Grenoble Ecole de Management.

Pouvez-vous définir le modèle économique de la fast fashion ?

La fast fashion se caractérise par la mise à disposition de vêtements dont le coût de production est suffisamment bas pour favoriser le renouvellement rapide des garde-robes. C’est une mode éphémère, qui repose souvent sur de petites séries ou des collections « capsules », qui créent un engouement fréquent à des prix accessibles sans attendre les soldes. La fast fashion a également bénéficié du développement des réseaux sociaux (Instagram, Facebook...), où l’enjeu est de se montrer sans cesse avec un nouveau vêtement.

En conséquence, le business model repose sur des ventes en volumes, qui permettent de dégager un profit suffisant. D’où une fabrication réalisée dans des pays où le coût de la main d’œuvre est faible. Zara, par exemple, l’une des marques du groupe Inditex, fabrique en Espagne, en Turquie et en Afrique du Nord, où le droit du travail est très différent.
La force de la fast fashion est de s’inspirer, voire de devancer les tendances présentées dans les défilés de mode officiels. C’est ainsi que Zara capte instantanément les tendances sur les réseaux sociaux grâce à l'intelligence artificielle. Le business model de la fast fashion se fonde ainsi sur une adaptabilité très forte aux tendances du moment. 

La fast fashion a émergé en réponse à de nouvelles aspirations consuméristes…

La fast fashion répond à une vraie demande des consommateurs : le budget des foyers, dédié à l’alimentaire, à l’habillement… n’est pas extensible. L’avènement des smartphones, des appareils électroniques et autres services associés, comme le streaming, ont redistribué la part du budget consacrée à l’habillement. La fast fashion offre donc une réponse à ces nouveaux arbitrages budgétaires.

Quelles sont les limites de la fast fashion ? Pourquoi certaines marques, comme Forever21 et Topshop, font-elles faillite ?

Il est important de préciser que la faillite de Forever21, aux Etats-Unis, est d’abord liée au mode de consommation des Américains, qui privilégient massivement le e-commerce au détriment des magasins physiques. Et la popularité de l’enseigne Topshop, au Royaume-Uni, a été impactée par l’image de son P-DG.

Toutefois, la fast fashion touche des limites : les clients sont sans doute plus conscients de l’envers du décor : acheter un t-shirt à 4 ou 5 euros, puis en acheter un autre, qui finira très vite à la poubelle, n’est pas tenable lorsque l’on considère le coût humain et environnemental. Cette prise de conscience globale amène aujourd’hui une partie des consommateurs à acheter moins souvent des produits qui dureront plus longtemps. Pour autant, le modèle s’essouffle-t-il ? Il évolue certainement.

Quelles sont donc les solutions de rebond de la fast fashion ?

H&M s'est lancée dans une politique de développement durable et a refusé de redéployer sa production dans les nouveaux pays à bas coût comme Myanmar, le Kenya ou l'Ethiopie. Première conséquence, sa marge brute – la différence entre le prix de vente d'un vêtement et son prix de revient –, est passée de 54 % en 2017 à 52,4 % en 2018.

H&M mise aussi sur la seconde main et sur l’économie circulaire. L’enseigne propose un service de location de vêtements et a entrepris de recycler les vieux vêtements. Pour continuer d’attirer les clients, en identifiant des tendances alternatives aux modèles classiques de la fast fashion, les enseignes suscitent aussi la demande avec des collections capsules. H&M a ainsi tissé des collaborations avec de grandes maisons de luxe, comme Karl Lagerfeld, Stella Mc Cartney, Isabelle Marant, Balmain… Olivier Roustaing, directeur de la création chez Balmain, dit ainsi vouloir « créer des articles abordables pour donner la possibilité à tous d’accéder à des marques emblématiques ». La réflexion porte aussi sur de nouvelles implantations : Cos, la marque haut de gamme de H&M, s’implante en Chine ; les robes de soirée sont produites en Suède. Globalement, la fabrication s’oriente vers de plus petites séries afin d’éviter la surproduction.

En France, le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire se profile à horizon 2021 et 2023. Il vise notamment à interdire la destruction d’articles neufs invendus. Beaucoup d’enseignes nourrissent une réflexion sur le sujet, à l’image de quelques grandes maisons du luxe françaises, comme Hermès, dont les valeurs incarnent des contre-modèles pérennes à la fast fashion.

Pour en savoir plus sur l’univers de la mode et du luxe

Cela pourrait vous intéresser