Virginie Monvoisin, enseignant-chercheur à Grenoble Ecole de Management, spécialiste en économie monétaire et financière, pointe l’ancrage citoyen de la Monnaie locale complémentaire (MLC), qui donne un « coup de pouce » aux circuits d’échanges de proximité.
Qu’est-ce qui motive la création d’une monnaie locale ?
« Au départ, ce sont plutôt des projets citoyens, qui sont portés par une démarche éthique et responsable. L’ambition est de participer au développement d’un territoire, donner du sens à ses achats et adhérer à un réseau partageant ses valeurs. L’idée est de créer une proximité entre les petits commerçants, les artisans et les petites entreprises pour soutenir les circuits courts. Une trentaine de monnaies locales sont en projet en France, à Paris, et dans d’autres villes.
Il existe déjà la Mesure à Romans, et depuis peu la Bel Monnaie à Valence ou la Gonette à Lyon, le Sol Violette à Toulouse ou encore le SoNantes à Nantes. L’une des plus anciennes monnaies en France est l’Eusko au Pays Basque. Le WIR, créé en Suisse en 1934, né dans un contexte de crise économique et monétaire mondiale, est exclusivement dédié aux entreprises. Plus de 60 000 d’entre elles l’utilisent aujourd’hui.
Cette monnaie complémentaire interentreprises, très business, s’affirme comme un outil de fidélisation et de proximité entre les entreprises et les prestataires, avec des remises, des points de fidélité…
Quelles sont les principales retombées économiques ?
De manière générale, ce sont les entreprises locales qui sont concernées par les monnaies locales complémentaires. Pourquoi ? Parce qu’elles développent leurs réseaux. Celle qui paie en monnaie locale obtient une ristourne. Cela crée une fidélisation. Au-delà, la monnaie locale présente de vrais atouts pour les chefs d'entreprise : développer l'activité en intégrant un réseau local de professionnels, valoriser son image en termes de RSE, optimiser sa trésorerie, en économisant les euros…
Mais, du coup, ce système de paiement local peut créer une forme de « captivité » de la clientèle, lorsque la monnaie est également accessible aux particuliers. C’est le cas à Toulouse, où les particuliers perçoivent une partie leurs prestations sociales en monnaie locale. Les gens sont ainsi obligés de dépenser chez les prestataires et commerçants, utilisateurs de la monnaie locale. Mais, au-delà, l’usage d’une monnaie locale tisse et resserre les interactions entre les entreprises, pour lesquelles une taille critique est nécessaire. Ainsi, une entreprise de production aura tout intérêt à travailler avec son transporteur et son distributeur en monnaie locale.
L’intérêt du réseau s’établit d’abord entre les différents partenaires et maillons de la chaine de valeur. Et, le système ne peut fonctionner que si suffisamment d'entreprises participent au réseau. Finalement, il s’agit de remettre en phase les lieux de dépenses des revenus et les lieux de formation de ces revenus.
Hors des considérations éthiques, qu’est-ce-qui peut inciter une entreprise ou un particulier (lorsque c’est possible), à adhérer à une monnaie locale ?
Souvent, les entreprises qui adhèrent au système de monnaie locale le font pour se faire connaître et accroître leur visibilité dans un circuit de consommateurs et de distributeurs… sans être pour autant protectionniste. La monnaie locale complémentaire est, par définition, un circuit parallèle qui booste les circuits d’échanges de proximité grâce à l’effet de référencement.
Par ailleurs, les monnaies locales peuvent prévoir un circuit de compensation b2b. L’avantage pour les entreprises adhérentes est immédiat et rencontre alors des problématiques très actuelles : le circuit permet d’alléger la gestion de la trésorerie !
Globalement, les mots clés de ces systèmes sont porteurs de valeurs très positives et ancrent à nouveau l’activité économique dans des principes simples. Les monnaies locales reposent sur la confiance, la proximité et le territoire.