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Sobriété numérique : quels rôles les entreprises ont à jouer ?

Sobriété numérique/numérique raisonné : quels rôles les entreprises ont à jouer ?
Publié le
13 Janvier 2022

Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), le numérique pèse 4 % des émissions mondiales de gaz à effets de serre. La progression des usages laisse augurer un doublement de cette empreinte carbone d’ici 2025. En l’état actuel, comment pallier le mésusage du numérique, tant au plan individuel que collectif, au sein des organisations ?

Selon Green IT, 60 à 80 % de l'empreinte environnementale du numérique porte sur les équipements, si l'on intègre les impacts associés à la production de l'électricité qu'ils consomment, (hors box/fibre…). Pour infléchir la tendance, le numérique soutenable suppose d'intégrer de nouvelles pratiques concrètes, plus vertueuses.

Sobriété, responsabilité et… réalité

Le 15 novembre 2021, le président de la République a promulgué la loi n° 2021-1485, visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique dans l'Hexagone. Ce texte constitue la traduction législative des travaux menés par la mission d'information de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, de décembre 2019 à octobre 2020. Il « vise à orienter le comportement de tous les acteurs du numérique, qu'il s'agisse des consommateurs, des professionnels du secteur ou encore des acteurs publics, afin de garantir le développement en France d'un numérique sobre, responsable et écologiquement vertueux ».

« En réalité, il n'existe pas d'indicateurs fiables permettant d'identifier ce qu'est le numérique durable. Il s'agit donc d'une chimère multiforme, mal connue et mal identifiée », lancent de concert Fanny Rabouille, responsable pédagogique du MS Big Data et co-titulaire de la chaire Digital, Organisation & Society (DOS), et Pierre Dal Zotto, Professeur en Systèmes d'information et Innovation et coordinateur de la Chaire DOS. Aussi, l'enjeu est-il, au-delà de la mesure, d'exploiter raisonnablement les outils numériques, chacun à son niveau, à titre personnel et professionnel. »

Des postes énergivores

Premier constat, 80 % de l'empreinte carbone du numérique est issue de la production et de la commercialisation des équipements. « C'est donc la fabrication qui génère du CO2, et moins l'usage qui est fait des outils numériques. Aussi, moins on renouvelle ses appareils, plus on adopte un comportement durable en matière numérique », soulignent Fanny Rabouille et Pierre Dal Zotto.

Autre constat : « Les équipements réseaux consomment le plus. L'enjeu est donc de veiller à chiffrer la consommation des salariés ; gérer la confidentialité des données ; fiabiliser ses outils de cyber-sécurité… Car, la soutenabilité du numérique intègre aussi une dimension sociale et économique. Au-delà, les réseaux utilisés, ou non utilisés, consomment le même niveau d'énergie, qui est en corrélation directe avec le nombre d'antennes relais. C'est la raison pour laquelle, une gestion efficace et soutenable de la consommation doit passer par la mise en œuvre de politiques publiques fortes. »

Les freins à la soutenabilité du numérique

« Il existe à l'heure actuelle 38 milliards d'équipements numériques dans le monde, relèvent Fanny Rabouille et Pierre Dal Zotto. Le recyclage des terminaux devrait être une condition de la soutenabilité. Plus spécifiquement, au sein des organisations, le numérique soutenable devrait être fondé sur des politiques organisées autour de la durabilité, du design au recyclage des matériels, ce qui permettrait de contrecarrer sine die l'obsolescence programmée, premier frein à la durabilité des outils.

Au-delà, il s'agit d'adopter, au plan individuel et collectif, de nouveaux comportements en matière d'usage : couper les équipements réseaux en dehors des heures de travail, ou prolonger la durée de vie des équipements, dans un contexte où le retour au travail à distance est préconisé. Et, à l'avenir, où le télétravail devrait constituer une nouvelle donne managériale pour les organisations…

La charte informatique : un prérequis

« Au sein des organisations, établir une charte informatique est un bon début, soulignent les spécialistes. Inviter à réfléchir sur l'utilisation des mails, le stockage multiple de fichiers plutôt que des sauvegardes bien paramétrées peuvent constituer un début. Au-delà, l'ambition de toute entreprise devrait porter sur la mesure de son empreinte numérique avant de prendre des mesures sans fondement tangible. Il existe des outils qui permettent de dimensionner l'impact du numérique via l'évaluation de la consommation de ses serveurs. Toutefois, on ne sait pas encore dimensionner de façon précise », nuancent Fanny Rabouille et Pierre Dal Zotto.

Par ailleurs, la charte informatique est normative, alors que la consommation de données doit être corrélée à l'activité ou non de l'entreprise, à son évolution, etc. Le réseau et les équipements sont donc à gérer en fonction. Doivent-ils être branchés 24/7 ou pas ? Et dans ce cas, quelle consommation génère-t-il ?

Ce qu'il faut retenir…

  • La 5G sera 90 % plus efficiente que la 4G.
  • Préserver la durée de vie des équipements et ne les brancher que lorsqu'on en a besoin est le premier pas le plus utile.
  • Enfin, l'usage du cloud n'est pas vertueux en tant que tel : il s'agit simplement de l'ordinateur de quelqu'un d'autre. Certes, les data centers progressent dans l'optimisation de la consommation énergétique, l'enjeu pour les fournisseurs de cloud consiste à mutualiser des infrastructures réseaux pour gagner en efficience, sur ce qui n'est pas critique.

Le guide d'un numérique plus responsable, Bela Loto Hiffler

L'empreinte environnementale du numérique

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