
Une étude récente démontre que pour modifier les opinions profondément ancrées chez un individu, et par conséquent ses comportements, les images ou les textes imagés sont plus efficients que les mots. A ce titre, l’utilisation des images est particulièrement recommandée dans les campagnes de sensibilisation et de prévention. Comment les mettre à profit dans l’entreprise ?
Olivier Trendel est enseignant-chercheur à Grenoble Ecole de Management, spécialisé dans le comportement du consommateur. Avec Marc Mazodier et Kathleen D. Vohs, il est l’auteur d’une publication portant sur la prééminence des images sur les textes dans The Journal of Marketing Research, en avril 2018.
Les images impactent plus que les mots. Telle est la conclusion de cette publication, validée via l’utilisation de mesures implicites. Lorsque l’on traite l’information, deux systèmes de pensées coexistent : l’un procède de la pensée réfléchie (le système 2), l’autre émane de la pensée spontanée (système 1), a démontré Daniel Kahneman, Prix Nobel d’économie en 2002*.
De fait, souligne Olivier Trendel : « Le Système 1 (la pensée spontanée) est assez basique.
A la vue des images, les opinions profondément ancrées peuvent se trouver modifiées. Le tout est attesté par des mesures implicites qui permettent de mesurer les différentes connections neuronales, qui sont activées spontanément – parfois à notre insu – dans le cerveau. »
A la vue des images, les opinions profondément ancrées peuvent se trouver modifiées
Pour sensibiliser, mieux vaut utiliser les images et les textes imagés
« Les recherches en psychologie démontrent en effet que lorsque l’on fournit à une personne des arguments écrits sur un sujet donné, elle peut assez facilement modifier son opinion sur ce sujet au niveau du système 2. Alors que si on regarde ce qui se passe au niveau du système 1, son opinion restera souvent inchangée, confirme Olivier Trendel. Notre recherche pointe le fait que, pour changer les opinions au niveau du système 1, il est particulièrement efficace de créer de nouvelles images mentales. Pour créer de nouvelles images mentales, on peut utiliser des images, mais aussi des textes imagés. C’est-à-dire, des textes qui créent spontanément de nouvelles images mentales en les lisant. »
Quelle mise en œuvre dans les entreprises ?
Dans le domaine de la sensibilisation aux handicaps et aux risques psycho-sociaux, par exemple, l’usage des images est particulièrement recommandé.
- Pour sensibiliser au handicap et contrecarrer les représentations erronées : Il s’agira de montrer une personne atteinte d’un handicap moteur ou psychique à son poste de travail, plutôt que d’expliquer par a + b qu’un poste peut être aménagé pour accueillir une personne handicapée. « Plus les images sont dynamiques (vidéo), plus cela fonctionne, » note Olivier Trendel.
- Pour la prévention des risques psycho-sociaux. Montrer les effets délétères et les conséquences à terme d’une mauvaise posture par exemple est très efficace pour modifier les attitudes et les comportements au travail. « En effet, l’on modifie les routines et les habitudes profondes, ancrées en chacun de nous, en modifiant les associations mentales profondes. Ce qui est essentiel pour modifier les comportements et les postures spontanés (non-réfléchis). »
- Dans le champ de la prévention de l’alcoolisme. A l’instar des photos « choc » figurant (depuis peu) en France sur les paquets de cigarettes, plus le comportement est ancré, plus il va falloir aller loin dans l’imagerie négative pour modifier le comportement d’une personne dépendante au tabac ou à l’alcool. « Pour ce faire, l’impact de la répétition d’images réalistes négatives est démontré. »
En conclusion, il est important de noter que « même si les personnes pensent être honnêtement convaincues par une série d’arguments rationnels, ce n’est pas pour cela qu’elles vont modifier leurs associations mentales profondes. En témoignent les préjugés racistes (inhérents à la pensée spontanée) qui perdurent aux Etats-Unis, après la présidence Obama : la grande majorité des Blancs continuent de témoigner de préjugés racistes dans la vie quotidienne à l’égard des Noirs – y compris lorsqu’ils se réclament ouvertement et honnêtement non-racistes. Pour parvenir à modifier ces présupposés ancrés, une solution est de procéder par des images mentales, » souligne Olivier Trendel.
* Système1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée. Daniel Kahneman