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Les investissements bas-carbone : quels impacts sur les inégalités socio-économiques au Brésil ?

swaroop govinda rao GEM Copyright Bruno Fournier
Publié le
12 Octobre 2021

Une étude inédite, publiée en 2020 dans la revue scientifique Climate Policy, s’est employée à mesurer l’impact des investissements étrangers bas-carbone sur les inégalités, l’emploi et la pauvreté au Brésil. Les résultats de cette étude constituent aujourd’hui un support de recommandations à destination des instances internationales d’aide au développement et des parties prenantes de la COP26.

Inequality, unemployment, and poverty impacts of mitigation investment: evidence from the CDM in Brazil and implications for a post-2020 mechanism, est l’intitulé de l’étude d’envergure, conduite par David Grover, enseignant-chercheur en économie à Grenoble Ecole de Management, et Swaroop Rao, ingénieur en mécanique, diplômé de l’université technique de Karlsruhe (KIT), et doctorant en économie au département Management de l’énergie à GEM. Cette étude ciblée sur l'impact probable des investissements « propres » passés et futurs sur les inégalités, le chômage et la pauvreté au Brésil, devrait constituer l’un des supports de préconisation dans le champ des politiques internationales d’aide au développement bas-carbone dans le cadre de la COP26.

En effet, l’article 6 des Accords de Paris prévoit la création d'un successeur au Mécanisme de développement propre (MDP), qui est issu du Protocole de Kyoto, porté par les Nations Unies, et dont les paramètres sont en cours d'opérationnalisation.

Focus sur le MDP

Notons que le MDP rend les investissements étrangers dans les projets des pays en développement plus attractifs. De même, les mécanismes comme le MDP, tout comme les investissements des pays développés dans les projets des pays en développement, encouragent la participation des pays en développement aux accords internationaux sur le climat.

Cette recherche, conduite par David Grover et Swaroop Rao, s’inspire de la littérature scientifique, qui analyse la relation entre l'Investissement direct étranger (IDE) et les facteurs d'inégalité dans les pays d'accueil de l'IDE. « Notre étude a porté sur tous les projets d’investissements bas-carbone réalisés au Brésil entre 2003 et 2010. En utilisant les données secondaires, extraites du recensement dans de petites zones géographiques, nous avons comparé l'évolution des situations socio-économiques dans les zones qui ont connu une activité de projet MDP à celle des zones qui n'en ont pas connu », souligne Swaroop Rao.

Les auteurs précisent : « En 2000, la population du Brésil était d’environ 168 millions d’habitants. Environ 55,3 millions de personnes vivent dans une région où au moins un projet du MDP est présent. On peut donc dire que ces 55,3 million personnes ont perçu un impact économique de ces investissements, même si ces impacts sont indirects. Il existe en effet de petits projets – comme l’installation d’une petite centrale d’énergie de biomasse dans un petit village –, tout comme de très grands projets, comme la construction d’immenses barrages hydroélectriques. »

L’impact nettement positif des projets bas-carbone 

L’étude a porté sur l’investissement dans des projets d’énergies renouvelables (principal focus de l’étude), des projets d’énergies propres (hydraulique, éolienne, solaire…), mais également des initiatives visant à éviter l’émission de méthane (methane avoidance), de conversion de gaz d'enfouissement en énergie, de réduction d’émission de l’oxyde de nitrogène (N2O), etc.

« Pour tous types de projets confondus, notre étude relève une réduction globale de la pauvreté, des inégalités de revenus et une hausse des créations d’emplois. En revanche, certains profils d’initiatives ont généré un impact nettement positif, en particulier les projets de « methane avoidance ». C’est le cas, par exemple, de la modification de certains processus industriels visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre. A noter, les effets positifs ont été moindres ou inexistants pour les projets d’énergie hydraulique, d’énergie biomasse et d’énergie éolienne », relève Swaroop Rao.

Cibler les personnes les plus déshéritées

Certes, tous types de projets confondus, ces projets de développement bas-carbone ont des effets globalement positifs en termes socio-économiques. Sur le terrain, ces projets créent de l’emploi à l’échelle locale, en particulier dans le secteur primaire (l’agriculture et le secteur extractif) et dans l’industrie. La préconisation principale de cette étude au long cours est donc de former massivement les individus les moins qualifiés dans le champ du développement durable, afin de réduire notablement les inégalités socio-économiques. L’étude pointe, en revanche, qu’il peut être contre-productif de focaliser uniquement sur la réduction de l’empreinte carbone, sans prendre en compte les effets socio-économiques.

« En résumé, on peut constater que les investissements bas-carbones ont potentiellement des effets socio-économiques positifs. Toutefois, ces investissements requièrent un effort coordonné afin de quantifier et d’évaluer les retombées. En d’autres termes, il est possible d’agir efficacement pour pallier les inégalités, le chômage et la pauvreté seulement si l’on peut mesurer précisément l’impact social des investissements propres », conclut Swaroop Rao.

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