
Nos émotions sont essentielles à deux composantes clés du management : décider et inspirer. Car, nos émotions, bien identifiées, peuvent éclairer notre jugement, enrichir notre communication et affiner notre processus de décision. A contrario, nos émotions peuvent aussi contribuer à générer des états de stress, des conflits ou de la souffrance au travail. Comment développer ses compétences émotionnelles pour mieux manager ?
Mieux comprendre les mécanismes émotionnels à l'œuvre dans son équipe, afin de pouvoir mieux les anticiper, les gérer et les intégrer de façon constructive, génère un gain en performance, en cohésion et en bien-être. C'est l'idée sous-tendue par de nombreux travaux scientifiques, et relayée par Hugues Poissonnier, professeur à Grenoble Ecole de Management, où il enseigne la stratégie, le contrôle de gestion et les achats.
« Si on comprend l'intérêt et parvient à collaborer quand tout va bien (via le co-développement avec ses partenaires, clients et fournisseurs), il apparaît plus compliqué de collaborer en temps de crise – alors même qu'il faudrait collaborer davantage et mieux, afin d'être plus résilient, ensemble, relève Hugues Poissonnier. Concrètement, une collaboration de crise peut s'illustrer par le fait, pour un acheteur, de prendre des nouvelles de ses fournisseurs, et de réduire les délais de paiements – ce qui suppose de convaincre la direction financière de la pertinence économique, forcément à long terme, de la démarche. »
La question centrale de la peur
Toutefois, dans un contexte anxiogène, la peur – qui résulte du sentiment de menace et d'incertitude –, s'impose à nous au point de régir la plupart de nos comportements. « Quand la peur est là, la tendance naturelle est, pour chacun, de recentrer notre attention sur le danger perçu comme imminent (phénomène de « rétrécissement du champ attentionnel »). On se recentre sur les conditions de survie à très court terme. Alors même qu'une démarche de résilience se construit à plusieurs, et appelle à englober les autres (collègues ou partenaires) dans un champ attentionnel élargi. » En contexte tendu notamment, comment cultiver ses émotions grâce à des interactions positives avec ses équipes ?
Quand la peur est là, la tendance naturelle est, pour chacun, de recentrer notre attention sur le danger perçu comme imminent
Pratiquer la présence attentive
Selon Jon Kabat-Zinn, l'un des pères fondateurs de la Mindfulness, la pratique de la présence attentive se caractérise par le fait de « porter son attention intentionnellement à l'expérience qui se déroule, moment après moment, et sans porter de jugement ».
« On peut dire que la présence attentive permet de « détricoter » le lien entre sensation, pensée et émotion », précise Hugues Poissonnier.
Christophe André, psychiatre et précurseur de la méditation de pleine conscience, en France, relève, pour sa part : « (…) l'attention est un moyen extrêmement puissant de réguler l'émotion. En nous aidant à prendre davantage de distance par rapport aux émotions, elle modifie l'impact qu'elles exercent sur notre vision du monde et sur notre cognition. »
« La pleine présence se traduit par des pauses régulières, tout au long de la journée, pour faire un point, prendre une « douche psychique » selon le terme de Thomas D'Ansembourg, la voix francophone de la communication non violente (CNV).
Cultiver l'émodiversité
« Entretenir l'émodiversité consiste à laisser la place à toutes les émotions qui surviennent au cours d'une journée, à les identifier et à les accepter comme telles », souligne Hugues Poissonnier. Les deux écueils à éviter sont, d'une part, la tentation réflexe de « mettre un couvercle » sur ses émotions négatives, dont la peur, et d'autre part, de subir « le parasitisme émotionnel », qui consiste à substituer une émotion à une autre. Car, la plupart du temps, un conflit naît d'une colère mal exprimée, au cœur de laquelle se trouve la peur. »
Accepter ce qui est
« L'acceptation est une alternative à l'affliction, pas à l'action », souligne Christophe André. Autrement dit : « Adopter une vision stoïcienne des faits permet de distinguer les événements qui dépendent de notre volonté et ceux qui n'en dépendent pas. Car, souvent, de nombreuses émotions difficiles découlent d'éléments qu'on ne peut maîtriser, et qui peuvent nous conduire à l'épuisement psychique », relève Hugues Poissonnier.
Réduire la surcharge cognitive
Enfin, autre enjeu de taille, pour un manager : alléger sa surcharge cognitive. « Ainsi, « déconnecter » au sens propre comme au figuré, peut passer par le simple fait de se lever et de faire quelques pas, ce qui permet de faire circuler l'énergie et de prendre conscience des émotions », assure Hugues Poissonnier. Nietzsche, le philosophe, ne disait-il pas : « Il n'est de pensées valables que celles qui viennent en marchant ».
C'est pourquoi, le développement des compétences émotionnelles des managers et de leurs collaborateurs est « salutogène » (bon pour la santé), en prévenant les risques de burn-out. Le management résilient constitue ainsi une source de performance pour l'entreprise, notamment en raison de ses effets sur la collaboration.
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