
Percevoir quelles ont été les images associées à Grenoble et son territoire, et quelles évolutions se profilent. Tel a été l’objectif d’une recherche menée par Thibault Daudigeos et Frédéric Bally, tous deux enseignants-chercheurs à Grenoble Ecole de Management. Focus sur un territoire à l’image en transition…
Cette étude sur l'image de Grenoble et son territoire, a été conduite de 2019 à 2020, et réalisée dans le cadre d'un programme POPSU* financé par le Ministère de la Transition écologique et Grenoble Alpes Métropole. Les instigateurs : Thibault Daudigeos, coordinateur de la Chaire Territoires en transition de GEM, et Frédéric Bally, chercheur associé à Grenoble Ecole de Management.
L'enquête inédite s'est appuyée sur le recueil de 7 500 articles de presse issus de journaux nationaux (Le Monde, Libération, Figaro, Les Echos…), et internationaux, de 1945 à 2019. « Nous avons également mené une comparaison systématique avec la ville de Rennes, une métropole de taille équivalente », souligne Thibault Daudigeos, coordinateur de la Chaire Territoires en transition de GEM. Parmi les items tracés, depuis 1945, figurent les grandes thématiques : « Grenoble, ville innovante » ; « ville montagne » ; « ville polluée » ; « ville de violences » et « ville sportive ».
La sécurité omniprésente depuis 1945, y compris dans d'autres territoires
« On constate, à travers cette étude, que la question de la sécurité et de la justice, figure à chaque mandat politique, depuis les années 1960-1970, y compris dans d'autres métropoles, relève Thibault Daudigeos. A chaque décennie, partout en France, un événement particulier vient alimenter la question de la sécurité : les années 1950 sont marquées par les attentats dans le contexte de la Guerre d'Algérie ; les années 1960-1970 sont caractérisées par les violences liées au proxénétisme ou aux groupuscules d'extrême-gauche, et les années 1990 sont marquées par les affaires de justice du mandat d'Alain Carignon, alors ministre de la communication. »
Une délinquance propre à Grenoble, depuis 2010
2010 marque un tournant avec l'image spécifique de « ville violente » qui est associée à Grenoble. Cette image a été en quelque sorte stigmatisée par le discours de Nicolas Sarkozy, en juillet 2010, sur les violences urbaines. Ce discours, largement relayé au plan médiatique, a en ensuite « contaminé » l'image de l'ensemble du bassin de vie », note Thibault Daudigeos.
Un autre constat est associé. « Le discours des médias est très « performatif » : il influence la manière dont les gens perçoivent la ville de Grenoble. En conséquence, cette stigmatisation va avoir un impact fort sur l'attractivité générale du territoire grenoblois, et va nourrir le propre sentiment d'insécurité des habitants. En écho, cette stigmatisation fait également disparaître les atouts spécifiques à la ville, comme sa situation privilégiée au cœur des montagnes dans la période récente. »
La question sécuritaire disparaît à l'international
« La question sécuritaire, à Grenoble, qui est omniprésente depuis 2010 au plan national, disparaît à l'international, au profit d'une image de ville de montagne, de ville sportive et de ville d'innovation, précise Thibault Daudigeos. L'analyse récente des données des dix premiers mois de 2020 montre une certaine inflexion. Apparait bien sûr un discours très fort sur la COVID et une constante du thème sécuritaire, mais la couverture médiatique de l'élection municipale fait aussi émerger une image du mode de vie grenoblois marqué par la transition écologique. Si on regarde le temps long, alors que certaines images de Grenoble sont mouvantes (sécurité, pollution, sport, montagne), la ville reste dotée d'une identité marquante en comparaison par exemple avec Rennes, portée par les liens spécifiques qu'elle a tissés au fil des décennies entre la recherche, l'industrie et l'université, une image de ville innovante », conclut Thibault Daudigeos.
*plateforme d'observation des projets et stratégies urbaines