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Eco-anxiété : comment recouvrer le pouvoir d’agir ?

Eco-anxiété : comment recouvrer le pouvoir d’agir ?
Publié le
19 Janvier 2023

Les chaires de recherche Territoires en transition et Paix économique de Grenoble Ecole de Management (GEM), en partenariat avec la Fédération Léo Lagrange, organisent une rencontre en ligne sur la thématique de l’éco-anxiété – un néologisme qui désigne l'ensemble des émotions liées au sentiment de fatalité vis-à-vis du réchauffement climatique. Zoom sur les moyens d’action déployés au cœur des programmes d’enseignement.

Entretien avec Fiona Ottaviani et Eléonore Lavoine, enseignantes-chercheuses à GEM et membres des chaires Territoires en transition et Chaire UNESCO pour une culture de Paix Economique de GEM.

En quoi la problématique nouvelle de l’éco-anxiété correspond-elle aux champs d’études des chaires Territoires en transition et Paix économique de GEM ?

Fiona Ottaviani : Les chaires comprennent deux volets : l’enseignement et la recherche.
En tant que chaires d’enseignement, celles-ci contribuent à la formation aux enjeux de la soutenabilité. La chaire Territoire en transition a participé au développement en troisième année de Programme grande école du parcours Innovation for sustainability transition et, plus récemment, à la création du module 101 qui vise à former 4 000 étudiants sur le sujet. Dans le cadre de ces cours, on aborde les différentes facettes de la crise actuelle : sociale, environnementale et économique. Dès lors, prendre conscience du dépassement des limites planétaires – six sont déjà dépassées –, des effets en chaîne pouvant être causés par le dépassement de ces limites, des inégalités persistantes et galopantes à différents niveaux, de l’asymétrie des rapports de force, de l’instabilité du système économique actuel, peut bien sûr générer de l’anxiété.

S’il faut bien évidemment aller beaucoup plus loin dans la montée en charge de ces enseignements, on sait que ceux-ci amènent des émotions difficiles à gérer et qu’il faut montrer ce qui marche, porter de nouveaux horizons (tels que la paix économique), et mettre les étudiants dans une posture active. Sur le volet gestion des émotions, la chaire Paix économique propose des cours, des podcasts s’appuyant sur la pleine conscience pour se reconnecter à soi et aux autres, ce qui est essentiel pour gérer l’éco-anxiété.

Cela m’amène aux recherches des deux chaires impliquées. On sait que pour faire face – et non pas supprimer l’anxiété – il faut accroitre ses capacités de conscientisation, d’action et de projection. Sur le volet de la conscientisation, la pleine conscience est un levier. Mais il ne faut pas en rester à l’échelle individuelle et cette conscientisation doit être un levier pour aborder la paix à d’autres niveaux. En produisant des connaissances sur la façon dont les acteurs dans les territoires peuvent faire face aux enjeux de la soutenabilité, la chaire Territoire en transition nourrit ce pouvoir d’agir. Cette compréhension des enjeux est fondamentale pour agir collectivement, mais elle peut également diminuer l’anxiété en permettant de mieux comprendre les problèmes et les menaces.

Connaissez-vous les principaux effets de l’éco-anxiété sur les jeunes de moins de 30 ans (les plus affectés) en matière d’orientation professionnelle et/ou de vie personnelle ?

Eléonore Lavoine : Avant de répondre à cette question, il faut déjà souligner l’ampleur du phénomène. D’après une étude publiée dans la revue The Lancet Planetary Health, largement reprise par la suite dans la presse, 84 % des jeunes de 16 à 25 ans sont inquiets face au changement climatique et plus de la moitié se sentent impuissants, en colère ou coupables. Mais cette préoccupation touche plus largement la population, au-delà des jeunes adultes. Elle peut avoir en effet une incidence forte sur les choix de vie professionnels et personnelles, afin d’atténuer le décalage entre son mode de vie et ses valeurs.

Selon vous, une éco-anxiété « maîtrisée » ou « raisonnée » peut-elle être un moteur pour s’emparer efficacement des problématiques liées au réchauffement climatique et de la dégradation environnementale et sociétale ?

Eléonore Lavoine : Oui, la littérature montre que cela peut clairement être un moteur. A condition que cet éco-anxiété ne paralyse par la personne. Des stratégies existent pour faire face à l’éco-anxiété. C’est ce que nous explorons dans le rendez-vous de la transition que nous organisons en février.

Peut-on se saisir de ce phénomène dans sa dimension collective et à l’échelle des territoires ?

Fiona Ottaviani : Des chercheuses, telles que Marie-Elaine Desmarais, Rhé Rocque et Laura Sims, ayant travaillé sur l’éco-anxiété, montrent qu’il est important de valoriser ce qui fonctionne collectivement, notamment à l’échelle locale. Pourquoi ? Le territoire est un lieu pertinent pour observer et comprendre les évolutions des dégradations environnementales et sociales dans leur interrelation avec d’autres échelles. Par ailleurs, il est un lieu d’action clé pour l’expérimentation collective et pour créer des synergies d’acteurs. C’est ce que nous travaillons au sein de la chaire Territoires en transition.

Prochain rendez-vous de la transition : « Comment faire face à l’éco-anxiété dans les programmes éducatifs ? »

Ce rendez-vous de la transition est co-porté par la chaire Territoire en transition, la Fédération Léo Lagrange et la chaire Paix économique. Il se tiendra en ligne le 27 février de 18 à 19h30 (en ligne). Il permettra de croiser les regards entre un étudiant de GEM, un professionnel de l’éducation populaire (Fédération Léo Lagrange) et un chercheur, spécialiste de l’éco-anxiété. Ce temps d’échange en ligne entre chercheurs et praticiens permettra de réfléchir aux méthodes pour faire face à l’éco-anxiété dans les programmes éducatifs.

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