
Mi-avril, la Convention Citoyenne pour le Climat a transmis 50 propositions au gouvernement pour contribuer aux réflexions sur les transformations nécessaires permettant d’éviter de vivre une nouvelle crise aussi profonde, cette fois-ci climatique. Le principal enjeu : mettre l’innovation au service de la transition.
Comment préparer la sortie de crise du Covid-19 ? Comment « porter l'espoir d'un nouveau modèle de société », répondant tant au défi climatique que sanitaire et économique ? C'est l'ambition que se sont fixés 150 citoyens, membres de la Convention, venus de toute la France et de tous horizons, qui planchent depuis six mois sur des mesures pour « réduire d'au moins 40% les émissions des gaz à effet de serre d'ici à 2030 (par rapport à 1990) dans une logique de justice sociale ». Pour la première fois, un panel décrivant la diversité des citoyens et citoyennes françaises, est directement impliqué dans la préparation de la loi. Deux enseignants-chercheurs de Grenoble Ecole de Management apportent leur éclairage.
Carine Sebi est professeur à Grenoble Ecole de Management, spécialisée dans les domaines de l'économie et de l'efficacité énergétique.
L'intensification de la rénovation énergétique figure parmi les propositions de la convention citoyenne pour le climat (CCC) créatrices d'emplois et d'économies sur la facture énergétique. Alors que les mesures actuelles du gouvernement incitent à la mise en œuvre de rénovations par étape (consistant à la réalisation de travaux épars et étalés dans le temps), la CCC propose le renforcement de la réglementation avec l'obligation d'ici 2040 d'une rénovation globale qui est préférable sur un plan économique, énergétique et technique.
Le gouvernement devrait tirer bénéfice et appliquer, dès 2030, cette proposition qui démontre l'intérêt et l'acceptabilité des citoyens à investir massivement dans l'amélioration de la performance énergétique de leur logement. L'un des objectifs de la Chaire Energy for Society de Grenoble Ecole de Management est de proposer et tester l'acceptabilité de nouveaux services énergétiques permettant ces rénovations pour des immeubles en copropriétés.
Dans le contexte du COVID 19, la CCC plaide pour "un modèle économique et sociétal différent, plus humain et plus résilient", accompagné d'une "relocalisation des activités […] pour assurer notre sécurité […] énergétique". Les communautés énergétiques citoyennes (comme Buxia Energies, Energ'Y Citoyennes, ou Grési21 autour de Grenoble) devraient inspirer la CCC car elles répondent à tous ces critères en plus d'engager les citoyens à la transition énergétique, dans un secteur qui jusque-là leur était inaccessible.
Thibault Daudigeos est professeur de management à Grenoble Ecole de Management. Ses domaines d'expertises portent sur les nouveaux modèles d'organisation qui construisent la transition vers une société plus écologique et solidaire. Il est coordinateur de la Chaire Territoires en Transition.
Alors que la France sort d'une période de confinement éprouvante, la nature semble être la grande gagnante du ralentissement. Mais sans transition des modèles de production et de consommation actuels, cette respiration ne sera que de courte durée. Pour capitaliser sur cette parenthèse, il convient de se demander ce que, personnellement, nous voulons garder de ces nouvelles expériences et ce que nous souhaitons ne pas voir revenir de l' « ancien monde ».
On peut ainsi noter que plusieurs plateformes ont vu le jour pour coordonner de nouvelles formes d'échanges locaux : « voisins-voisines » pour les solidarités locales, « Loin des yeux, près du cœur » pour soutenir les commerces très affectés par le confinement. Ces plateformes préfigurent les services du territoire de demain : alimentation en circuit court, conciergerie de quartier, mobilité partagée, aide à domicile… La chaire Territoires en Transition a lancé un programme de recherches sur ces plateformes pour comprendre et améliorer leur gouvernance, leur organisation et leur modèle économique.
La crise actuelle va faire peser une incertitude très grande sur les ressources disponibles. Il va être plus important que jamais d'encourager les comportements qui combinent faible coût/investissement et forte valeur environnementale ajoutée. C'est le cas du maintien d'une certaine dose de télétravail et du report vers les mobilités douces par exemple. La période est propice à l'urbanisme tactique qui permet de gagner en agilité. La ville de Grenoble par exemple vient ainsi de gagner soudainement 18 km de pistes cyclables. Pour viser au plus près du besoin, il faut aussi mettre les habitants des territoires au cœur des réflexions et des décisions. La chaire Territoires-en-Transition vient ainsi de créer un panel d'habitants de la métropole grenobloise pour tester les solutions de demain.