
La chaire de recherche Territoires en Transition de Grenoble Ecole de Management a étudié plus d’une vingtaine d’expérimentations innovantes d’accompagnement des personnes âgées à domicile.
En 2020 et 2021, une équipe de recherche pluridisciplinaire* a conduit une vaste étude qualitative portant sur 21 expérimentations locales auprès d'EHPAD, de centres hospitaliers, de services de soins Infirmiers à domicile… ainsi qu'une expérimentation nationale « Veiller sur mes Parents ». Au total, ce sont 22 dispositifs innovants, sur l'ensemble du territoire national, qui ont été passés au crible. L'étude a nécessité un travail d'observation sur site : un défi particulier en période de crise sanitaire. 43 entretiens qualitatifs ont été conduits auprès de directeurs/trices d'établissements, cadres de santé, médecins et infirmiers/ères coordinateurs, bénéficiaires, familles…
L'équipe de recherche a notamment analysé le dispositif « Passerelle » dans le Nord-Isère : un dispositif d'EHPAD hors-les-murs, visant le maintien des personnes âgées à domicile le plus longtemps possible. « Le dispositif Passerelle ajoute, à la palette de services classiques d'un EHPAD, une plateforme de mise en relation entre les personnes et les soignants. Ainsi, le rôle de coordination des soins à domicile vient compléter les missions classiques d'hébergement, de soins et d'animation propre aux EHPAD », souligne Claire Le Breton, chercheuse post-doctorale au sein du département Homme, organisations et société à GEM.
Des enjeux sociaux
« L'intérêt de cette étude est de pouvoir ajuster l'offre et la demande de prise en charge de la dépendance – notamment durant la période plus ou moins longue de transition vers la dépendance. Sur le terrain, des solutions alternatives, comme la colocation entre personnes âgées, ont vocation à s'ajuster au bon public, au bon endroit. En effet, selon un territoire donné, et selon les catégories socio-économiques des populations, certains EHPAD restent peu fréquentés, ou s'avèrent mal adaptés aux territoires paupérisés, par exemple », relève Claire Le Breton.
certains EHPAD restent peu fréquentés, ou s'avèrent mal adaptés aux territoires paupérisés
Nombre de dispositifs sont donc d'ores et déjà déployés au plan national visant, d'une part, à réduire les coûts de prise en charge de la dépendance et, d'autre part, à freiner les réticences des anciens vis-à-vis de l'EHPAD, tel qu'il est conçu à l'heure actuelle. « Certaines expérimentations s'attachent à développer des services de jour (animation, coordination), tandis que d'autres développent des services de nuit. L'important, ce n'est pas le soin en tant que tel, mais les services qui vont faciliter les soins (ergothérapie), coordonnés et animés à domicile. Des services complémentaires sont également proposés. L'un des plus prisés étant la chambre d'accueil d'urgence, ou le transport. »
Une dimension clef : la coordination
L'enquête relève quelques caractéristiques clés, propres à ces initiatives hors-les-murs. Ainsi, tous les dispositifs novateurs sont articulés et portés par l'infirmière coordonnatrice (IDEC), qui fédère l'ensemble des acteurs associés : direction d'EHPAD, médecins coordinateurs, personnels soignants, personnes âgées, familles… « L'IDEC fait ainsi partie intégrante du personnel médical de l'EHPAD en tant que personne recrutée spécifiquement pour cette expérimentation. Il en est de même des ergothérapeutes, aides-soignantes, infirmières de jour ou de nuit, psychomotriciens qui sont spécifiquement dédiés à l'expérimentation et ne sont pas recrutés pour d'autres tâches dans l'EHPAD. On a observé que ces postes étaient occupés par des professionnels qui avaient une autre activité – soit au sein de l'EHPAD soit ailleurs. »
Parmi les points de vigilance, l'équipe de recherche a noté : « Souvent, la charge de travail est plus importante que prévu pour les acteurs impliqués dans la structure qui porte l'expérimentation, et ceux qui sont internalisés doivent assumer plus de responsabilités et de tâches qu'auparavant. De plus, il n'y a pas un, mais deux bénéficiaires potentiels : le bénéficiaire et son aidant. De même, les transmissions sont parfois complexes entre les équipes de nuit et de jour. » Au-delà, la coordination décentralisées requiert l'utilisation d'outils physiques (caméras électroniques, systèmes d'appel d'urgence…) et numériques (PC, tablettes…) qui, souvent, sont peu investis par les professionnels libéraux et par les bénéficiaires du système.
Pour illustration, le coût du dispositif déployé par le fonds de solidarité AESIO, oscille entre 12 000 et 14 000 euros annuels en moyenne par bénéficiaire, contre 24 000 euros en moyenne en EHPAD.
*L'équipe de recherche de la chaire Territoires en Transition : Thibault Daudigeos, Frédéric Bally, Hélène Picard, Albane Grandazzi et Claire Le Breton.
Un colloque national sur le bien vieillir, à GEM
Qu'est-ce que le « bien vieillir » ? Comment la vieillesse et la dépendance sont-elles prises en charge en France ? Et comment permettre aux personnes âgées de continuer de vivre dignement à domicile, en intégrant les spécificités de chaque territoire… ?
Le 16 juin prochain, la chaire Territoires en Transition organise un colloque national sur la thématique du « bien vieillir », à Grenoble Ecole de Management, au côté des acteurs de santé des territoires. L'ambition de ce colloque national est de permettre une réflexion collective des acteurs de santé autour de la gestion territoriale de la vieillesse. A cette occasion, la chaire de recherche présentera les résultats de son étude inédite portant sur des dispositifs innovants d'EHPAD hors les murs, en France. Au programme également, l'après-midi du 16 juin : une introduction sur les problématiques liées à la gestion territoriale de la vieillesse avec Yann Lasnier, Délégué général des Petits Frères des Pauvres ; des ateliers de réflexion et des tables rondes, animés par des acteurs publics de l'action sociales, du logement et médico-sociaux du Département de l'Isère et de la Ville de Grenoble et la Mutualité Française Isère.